Au passage des jours je me suis incliné :
Les ages tendres se sont endurcis.
Nos pales figures en un reflet unique apparaissent jeunes
Et nos guerres
et nos lois
et les mots terribles que nous prononçons
résonnent toujours de la légèreté du jeu
Car nous ne sommes pas entrés
Aux arènes où l’on meurt
Car rien n’est si grave à présent
Qu’on y soit attendu
Car rien ne mérite à nouveau
Qu’on y convoque le pire
Car rien ne nous pousserait vraiment
A trouver le courage
D’y être les meilleurs
Des morts sans nombre qui se taisent
Nous sommes les seuls vivants
De tous les vivants qui ont parlé
Nous sommes les plus bruyants
Des hommes debout qui ont foulé la Terre
Nous sommes les seuls présents
De toutes les âmes qui se sont évaporées
Nous sommes celles qui résistent
Des menteurs, des voleurs, des assassins repentis
Nous sommes les récidivistes
Des défunts enfouis, oubliés
Des morts sans nom additionnés ensemble
Des condamnés, des bénis, des mort-nés
Et de ceux qui ne se sont pas réveillés
Nous sommes les successeurs et les représentants
Il faut nous voir alors danser d’un pied
La main passée dans les cheveux
Insoucieux de ne rien bâtir
Avec la joie des imbéciles heureux
Tels les premiers, tels les derniers
Au passage des jours je me suis effacé
Aux ages tendres je me suis oublié
Des arènes où l’on meurt je me suis approché
Et sous mes pieds les vivants m’ont empressé
…
Le pays, je ne l’ai trouvé
Nulle part sinon partout.