29/06/2011

Les exceptions


Peu importe de quoi le jour est fait, de quoi demain te promet-on sera fait, les exceptions dans le jour sont possibles, et si souvent c’est l’alcool qui les produit ce n’est rien, profite de leur réalisation pour y prendre de la place, pour t’y étendre et occuper toutes les directions, parce que ça ne durera pas, parce que le jour fera place à la nuit et que les questions de la veille se poseront encore, parce que rien ne sera réglé tout en dehors et parce qu’à la toute fin on t’aura tiré de là. Mais les exceptions roderont à nouveau et se produiront souvent très tard, aux faveurs de la nuit, quand tout le monde est couché et quand plus personne ne peut te dire : non, ça n’est pas comme ça. Et peut-être qu’un jour ça le sera et personne ne le saura à part toi et ton sourire idiot au visage brillera dans le noir pour toi seul et tu n’auras aucune raison de te sentir bête parce que personne d’autre que toi à cette heure ne sera allé aussi loin ou n’aura osé autant. Et tant pis si le lendemain tout est aplati et commun à tous les hommes.

13/05/2011

Le même monde

Je ne crois pas qu'on vive dans le même monde, non. Qu'est-ce qu'il y aurait de semblable à mes journées, dans les vôtres, à mon sommeil, dans le vôtre, qu'est-ce qui pourrait rapprocher les moments que je passe les yeux fermés et les mots qui s'y déroulent des moments que vous passez les yeux fermés et les mots qui s'y déroulent, si ces mots ne sont pas les mêmes, et si ce sont les mêmes si les yeux qui s'y ferment ne sont pas exactement identiques ? Il y aurait le monde, seul, identique, et nous, différents, à sa surface mais ce ne serait pas une description juste, personne ne s'y retrouverait, il faut bien qu'on s'entende et en ce cas il nous faut dire que le monde, c'est ce que nous en vivons et alors il ne peut plus s'agir du même. Toi et moi au même endroit, au même moment, dans la même intention de voir, de dire, de vivre, nous sommes plus différents encore que si tu te trouvais à l'autre bout de la planète, endormi, et moi debout face à mille personnes me regardant ensemble. Il y aurait même plus de chances que nous soyons identiques, que notre monde soit non pas le même mais se ressemble, si tu n'es ni moi, ni là, ni proche en rien de ce que je fais, de ce que je crois, des mots que j'entends.
Et puis il y a les moments où l'on se parle et jamais l'illusion n'est plus réelle, jamais nous ne faisons tant d'effort pour appartenir au même moment et l'intention est si forte, la tentation si grande d'être identique, dans le moment identique, de la même espèce finalement réduite, simple et rassurante, que plutôt que de se trouver au même endroit, en un lieu commun, que nous savions exister mais qui nous avait manqué, on se retrouve là, nulle part, muets, abstraits, quand bien même nous parlerions.
Et puis il y a les moments où l'on s'aime, les moments où l'on voudrait s'aimer, et de cette grande faiblesse il n'y a rien d'autre à espérer, rien de plus grand non plus, de plus précieux, que d'apercevoir cet autre monde, ces autres yeux fermés, ces autres mots que l'on n'a jamais prononcés.

14/04/2011

La mauvaise humeur

La veille, le matin même, l'humeur est égale, tranquille, à l'arrêt comme reposée. Silencieuse. En fait attentive. Fragile. Il ne faudrait pas grand chose, et d'ailleurs ce n'est rien, rien au courrier, rien dans les poches, rien dans la tête, pour que tout se mette à pencher. Alors tout est clair, oui, évidemment, tout conspire, encore, et ce n'est rien d'autre qu'une journée pourrie, quel meilleur conseil donnerait-on que de se recoucher ? Les ourlets déchirés pris dans le bout de la chaussure, les objets brisés qui ne tombaient pas avant qu'on veuille les rattraper, le mot de trop, mauvais, échappé, à celui ou à celle qui ne faisait que passer. La mauvaise humeur s'est installée. Au terme de la journée, elle est devenue confortable et nous a autorisé au mutisme, renfrogné, volontaire, convaincu, et nous a poussé au front des rides rabattues comme les plis de la couette. Elle nous accompagnera jusqu'au sommeil, aux portes duquel on se convaincra longtemps qu'il est impossible de dormir, qu'il n'y a rien à faire, trop d'idées, et d'empêchements, et de contrariétés, et nous nous serons endormis.

J'ouvre les yeux. Il pourrait arriver n'importe quoi mais ce ne sera pas forcément aujourd'hui.