13/07/2010

La dépouille

La ville grouillait à n’en plus finir. Frémissante, sa surface aqueuse des profondeurs à l’agonie, elle charriait chaque jour toujours plus de fous, de malades, d’illuminés au regard aveugle. Une maladie, une infection, les gueules des chiens l’avaient abattue et elle gisait, vautrée sur son flanc, le poitrail ouvert, empoisonnant l’atmosphère des hommes de son épaisse odeur de proie. On s’y débattait. On s’en extirpait sans pouvoir ramper très loin. On aurait parié qu’on y mourrait bientôt, que l’odeur nous rendrait fou, qu’un autre viendrait se nourrir de nous et cela ne tardait pas. L’existence issue de cette dépouille malade, riche, enivrante, enfiévrée, menaçait les plus atteints d’un grand embrasement et d’une disparition soudaine. Ces braisillons, rapidement consumés, aussitôt oubliés, illuminaient les yeux grands ouverts des immobiles, et ceux-là se disaient encore : elle inspire son dernier souffle, elle expirera bientôt, sa carcasse se changera en limon et ici pousseront les bois noirs qui allumeront nos feux. Mais elle n’expirait jamais et grouillait encore d’une vie multiple, brûlante, polluée, animée de l’agitation insensée de millions de parasites, éternelle.

Aucun commentaire: