12/03/2008

Anna - Lilith / par Bruce

J’avais décidé la veille de dormir seul. La proximité d’Anna, les nuits précédentes, m’avait empêché de trouver le repos. Le souvenir de sa chatte humide, sous le tissu lycra de sa culotte, dont sa main fine, décharnée, tannée, m’avait ouvert la voie, ne laissait plus de me hanter. Cette fois, je m’étais endormi sans fièvre, et un rêve, aussitôt, ce rêve, le même, était venu me visiter.


Passe cette femme devant moi, lunettes noires lui mangeant le visage, cheveux tirés avec violence vers la nuque où tombe une longue natte blonde, cuisses nues et tannées que je devine brûlantes, et je la reconnais aussitôt. On la croirait sortie des rouleaux mécaniques d’un institut de beauté dernier cri, entièrement robotisé. Elle marche sans hésitation, la peau sèche recouverte d’un baume gras, les épaules souples, les hanches mobiles, et je ne sais plus où je l’ai rencontrée. Je la suis du regard, et je ne suis pas le seul. Un aréopage brouillon l’accompagne et l’escorte jusqu’au bar, où elle commandera un cocktail étrange. Les formes de son corps sont si nettes, sous la soie humide, le cuir, les paillettes dorées saupoudrées, qu’on les distingue mal, peut-être parce qu’on n’ose pas les regarder. Tout le monde pourtant lui reluque le cul. Suit les mouvement de ses lèvres fines, trop fines, délicates incongrues à la proue d’un corps de rêve, tandis qu’elle avale plusieurs gorgées du liquide bleuté. Elle rit et la salle entière, toute la scène, se reflète dans les verres fumés de ses lunettes noires. Je me la représente à toute allure en tenue d’écolière, coiffée de deux tresses ; en latex rouge, perchée sur des talons aiguilles impossibles ; habillée d’une combinaison résille noire, qu’elle me demande de déchirer ; nue, pieds et poings liés par une corde rêche, dans un hangar glauque ; au soleil, allongée sur un transat, au bord d’une piscine, épuisée ; portant chemise militaire, casquette brune, short court, un fusil d’assaut en plastique à l’épaule ; à genoux au centre d’une cercle composé d’une dizaine d’hommes, la langue sortie ; en pleurs, parce qu’elle vient de vomir ; pâmée, incapable de parler, l’estomac retourné par un sexe démesuré ; le rimmel dégoulinant sur ses joues rosies. Elle se fait appeler Lilith et quantité d’autres pseudos, et si je la connais, moi, comme tous les hommes de cette soirée, il est certain qu’elle ne m’a jamais vu.
...

Et je revois Anna, Anna, au centre de l’attention indélicate des hommes, dans le cadre, sous un éclairage brûlant, qui gémit, gémit, se tord sans que l’on sache, dans le silence de l’équipe technique, si elle souffre, si elle jouit, si elle joue.
Quel mystère. Parmi les souvenirs innombrables, insensés, inutiles, qui viennent de me quitter, c’est celui-ci, cette journée, la rencontre avec Anna, qui me revient. Et pour un instant – l’instant précédent ma disparition – je me souviens, du tournage, des orgies, du départ, de Michelle, et de la métamorphose de nos âmes.
C’est le temps précédant immédiatement le sommeil. Quand

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