16/09/2007

L'hôtel du bout du monde - l'arrivée

Vous faites connaissance avec ce lieu situé au cœur de la maladie, mais vous ne vous y sentez pas malade. Vous entrez dans le hall de l’hôtel des égarés, mais vous croyez avoir retrouvé votre chemin. Comme dans l’œil du cyclone, vous êtes calme, quand tout autour est emporté. Le monde pourtant n’a pas cessé de tenir debout, depuis que vous l’avez quitté. Il poursuit sa lente décomposition, jusqu’au point critique que connaîtra la prochaine génération. Celle d’après, alors, vivra un authentique recommencement. Quant à vous, vous vivez le sort des réfugiés, dans le temps des paniques, et cet hôtel fut bâti pour vous. Vous y entrez à peine que les portes se referment dans votre dos. Bientôt, on vient à votre rencontre. Avez-vous fait bon voyage ? Désirez-vous une chambre dans les étages, avec vue sur l’autoroute déserte, ou préférez-vous l’horizon infini des bois noirs étendus vers l’est ? L’océan en cette saison est déjà retiré, et vous n’y verrez rien qu’un banc de sable long comme l’univers, mais si bon vous semble… S’il nous reste des chambres, madame, monsieur, mais bien entendu ! Toujours. Jamais nous n’avons refusé personne. Non, gardez votre argent sur vous, nous nous arrangerons plus tard. Suivez-moi.
Vous venez de faire connaissance avec Diane, car vous êtes arrivé ici la nuit. Que vous ayez traversé la forêt des bords du monde ou que vous ayez suivi la bande d’arrêt d’urgence sur les longs kilomètres qui la détachent du réseau indémêlable du trafic, c’est sous le voile de l’envers du jour que vous avez pénétré dans le hall, que certains disent lugubre sous cette lumière sépulcrale, dont d’autres louent la lueur romantique, sous la voûte peinte duquel vous vous êtes probablement senti petit. Diane vous entraîne après elle d’un pas rapide et silencieux, réanimée par votre présence elle se confie à vous mais certainement le fait-elle avec tous les voyageurs nocturnes, « on s’ennuie parfois tant que l’on imagine des choses, ici, même si l’habitude passe le temps comme s’il n’était pas passé ; même si l’on en vient à connaître cet endroit comme son propre corps, mais voyez-vous, la nuit, les gens dorment, tandis que moi, je travaille, et je m’ennuie, c’est que vous n’êtes pas si nombreux, le soir, croyez-vous qu’un jour ou l’autre, lorsque vous serez reposé, je pourrais vous rendre visite et venir parler avec vous de ce que vous faites, dites ? » Mais soudain une voix terrible résonne du nom de Diane qui semble provenir du sol comme du plafond, un système de sonorisation habilement dissimulé pensez-vous, et la jeune femme brune éthérée se reprend et se redresse, accélère le pas et absente vous désigne votre porte, la chambre 303, ou 602, ou 701, selon la vue que vous avez choisie, avant de prendre congé.
Et vous voilà seul dans votre chambre, frappé par l’allure de la brune, les yeux encore larges des escaliers de marbre ornementé ou des ascenseurs électriques pleins d’une lumière jaune qu’elle vous a fait prendre, et vous refermez votre porte, le lit sous les yeux, et épuisé par une errance s’achevant enfin, vous vous allongez et disparaissez.
Dans votre absence, vous songez à vos jours, et à ce qui vous a mené là.

Aucun commentaire: