Certains y sont sans se souvenir y être venus. Ils vivent là une longue villégiature. Leur vie passée est un souvenir laissé derrière eux. A les croiser le soir dans les couloirs, dans l’ascenseur, sur les bords de la piscine au sous-sol, on les prendrait pour des spectres, mous et blancs, comme trop longtemps trempés dans l’eau, ils ne parlent pas, ils glissent, rejoignent leur chambre, passent un peignoir, traversent le restaurant pour le casino où la monnaie factice de leur fin de vie s’y échange contre la promesse de la chance. Pourtant, il suffit d’en voir un, de ces vieux, de ces vieilles, pour savoir qu’ils ne mourront jamais. Ce qu’ils ont gardé pour eux, leur enveloppe, est déjà abstraite de tout ce que la mort pouvait leur enlever. Ils flotteraient ainsi pour l’éternité, jusqu’à ce que celle-ci étouffe sous l’effondrement de l’hôtel, les emportant avec elle.
Les enfants en ont peur, eux qui vivent la vie tels des vampires, insatiables, altérés, comme on a peur du vide, de ce qui est absent, comme on a peur du noir. Leurs rires cessent en leur présence et on les voit leur tendre un regard hostile, haineux, tout à fait comme s’ils ne désiraient rien plus que de les voir disparaître. Pour beaucoup, parce qu’ils ont aux yeux l’appétit morbide de jeunes carnassiers, parce qu’ils se trouvent encore dans le champ immédiat de la naissance, parce qu’il leur suffit parfois de fermer les yeux et dans le sommeil retrouver les images de ce mystère écoulé, pour beaucoup, les enfants sont les pires pensionnaires de l’hôtel.
De la liberté folle que son bourreau
– c'est moi –
lui avait accordée,
mademoiselle s’est inventé
la roue,
la route, la ruée, les blés
16/09/2007
L'hôtel du bout du monde - les générations
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